Gares

"GARES est un projet de la Traversée – Atelier québécois de géopoétique – réalisé en collaboration avec l'artiste Sébastien Cliche. Sur une période de huit mois, les gens de la Traversée et leurs collaborateurs et collaboratrices ont parcouru les différentes gares ferroviaires de l’île de Montréal dans un esprit de flânerie: ils ont décrit les lieux; pris des photos et des vidéos; enregistré l'ambiance sonore à l'aide de capteurs; ou encore créé des œuvres en médias mixtes (aquarelle et crayon). Un comité éditorial a ensuite organisé ces notes de terrain selon une logique de mots-clés et selon un fil narratif linéaire.

À l'arrivée sur l'œuvre, la carte du réseau ferroviaire de la métropole s'affiche. En cliquant sur l’une des stations disponibles, l’internaute fait apparaître une photo sur laquelle est apposé le nom de cette dernière. Plusieurs points blancs y sont disposés et une ambiance sonore enregistrée par les contributeurs et les contributrices, ou encore réalisée par Cliche, se fait entendre. Les points blancs sont associés aux mots-clés selon lesquels les notes sont organisées. Le nombre de points indique un plus grand nombre d’entrées liées.

Lorsque l’internaute active les points moyennant un «clic», il accède à une note de terrain – un texte ou une image – liée à la thématique du mot-clé. Sous le texte, une flèche permet d’emprunter la navigation linéaire, qui suit un parcours prédéfini à travers les différentes notes disponibles sur le site. Au haut de la fenêtre, des mots-clés en lien avec la note affichée sont réunis par une ligne dont le tracé ressemble à celui d’une carte ferroviaire. Cliquer sur l’un de ces mots-clés redirige l’internaute vers une autre note, dans n'importe quelle station ferroviaire, permettant ainsi une déambulation aléatoire au travers des récits et des découvertes des flâneurs. Il est possible de retourner à la page principale d'une station en cliquant sur son nom au bas à gauche, ou à la carte principale en cliquant sur «réseau».

GARES réinvestit donc ces lieux de passage grâce à une «mise en relief de l’étrangeté». Les contributeurs et les contributrices abordent ces espaces de circulation, de consommation et de communication d’un angle poétique et mettent de l’avant leur valeur anthropologique. L’«étrangeté» évoquée dans l’«à propos» fait référence à la part d’aléatoire et d’incongruité introduite par les occupants et les occupantes des stations ferroviaires. L’humain se révèle dans ces espaces de transition sous forme de trace, d’absence, d’usure ou de mémoire. Selon les récits, les photographies, les vidéos ou les dessins des participants et des participantes, les murs parlent, les semelles chantent, les clôtures deviennent l’ancrage d’une projection dans l’enfance et les vitres, la métaphore d’une aseptisation de la ville. Les usagers de ces espaces de transition marquent ceux-ci d’un surplus symbolique décelé par l’attention singulière des membres de la Traversée.

Dans cette optique, il est opportun de convoquer les écrits de l’anthropologue français Marc Augé qui théorise les non-lieux. Les non-lieux participent d’un processus d’urbanisation et de «globalisation» de l’espace public qui rend visibles le «réseau» et son système décentré de relations. Les non-lieux de la Modernité sont traditionnellement dénués de toutes traces de l’Histoire et sont réduits à leur fonctionnalité première, soit l’échange. Les grandes villes, en incorporant l’idéologie du monde global, «se définissent par leur capacité à importer ou exporter les hommes, les produits, les images et les messages. Spatialement, leur importance se mesure à la qualité et à l’ampleur du réseau d’autoroutes et de voies ferroviaires qui les rapproche des aéroports» (Augé, 2010: 171). En flânant dans ces espaces transitoires, l’œuvre renégocie le rapport commun à ces lieux négligés, comme l’indiquent les auteurs, et en fait resurgir la sociabilité, la mémoire et l’affect. GARES, en écho à l’expansion du global, révèle l’expression du local – c’est-à-dire les singularités et les étrangetés culturelles montréalaises." -- From bleuOrange

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bleuOrange

Published in Fall, 2012 by bleuOrange in Issue 6.

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