"Gagnant en 2005 du Grand Prix du Tokyo Type Directors Club, For All Seasons d'Andreas Müller est une oeuvre hypermédiatique utilisant comme principal matériau du texte, qui est déconstruit et reconfiguré afin d'en faire des images et des paysages que l'utilisateur peut manipuler.
L'oeuvre de Müller explore quatre souvenirs d'enfance de ce dernier, chacun d'entre eux étant relié à une saison particulière. Chaque partie de l'oeuvre correspondant à une saison s'ouvre par un bref texte relatant un de ces souvenirs. Suite à la lecture du texte, l'internaute voit, après avoir cliqué sur sa souris, la surface bidimensionnelle de l'écran affichant le texte devenir un sol sur lequel les mots du texte se redéploient afin de former un paysage transformant le souvenir en illustration. L'internaute a églamement la possibilité d'interagir avec les mots transformés et d'effectuer un zoom vers l'avant afin de découvrir un nouveau point de vue sur l'espace tridimensionnel où le texte s'étale en forme d'objets. La lisibilité du texte, bien que considérablement diminuée par la transformation des mots et lettres en leur nouvelle incarnation, peut ainsi être partiellement maintenue.
Les diverses interactions proposées par chacun des tableaux (faire tournoyer les pissenlits afin de déloger les lettres de leur tige dans Spring, faire fuire les poissons dans Summer, provoquer une éruption dans le tourbillon des lettres d'Autumn) permettent d'intervenir dans la reconstitution tangible du souvenir offert par Müller, et de pénétrer virtuellement dans le monde intérieur de l'artiste. Le travail sur les mots de celui-ci ne s'arrête pas à une reconfiguration iconotextuelle donnant forme et matière sur l'écran à l'espace d'un souvenir fugace, il assure également une transmission à l'internaute de l'expérience de la remémoration. L'esthétique dépouillée et les manipulation subtiles proposées par Müller à l'internaute réifient superbement la fragilité du souvenir et son caractère dépouillé, dans lequel rien n'est fixe et où l'on peut déchiffrer des formes et des détails qui ne sauraient être intelligibles si l'on n'avait une connaissance préalable de leur contexte.
Le tableau Winter ne permet pas à l'internaute de déplacer les lettres formant autant de flocons de neige. Cette rupture de manipulation par rapport aux tableaux précédents s'explique par un détail se trouvant dans le texte d'introduction. Müller explique qu'alors qu'il avait 15 ans, il était parvenu à effectuer une illustration qu'il avait jugée satisfaisante en dépit de son talent limité pour le dessin. Il s'en veut de ne pas avoir conservé cette illustration, mais il en conserve le souvenir: "Unfortunately I don't have the drawing itself but I still have the memory. And now I have this" (Muller, 2009). La recréation de son dessin dans For All Seasons, au demeurant une oeuvre plus aboutie, est donc une exhumation d'un souvenir précieux auquel il donne forme par le biais d'un texte dont il utilise la plasticité afin de créer des icônes de flocons, traces fugaces traversant l'écran et allant se confondre sur le sol du tableau, d'un blanc immaculé rendant impossible la lecture de ces lettres éparses. C'est l'expression d'un moment précieux que l'on ne peut conserver intact et qu'il n'est possible d'apprécier que brièvement, avant que les lettres qui en constituent l'expression première n'aillent se perdre dans un espace vide.
La subtilité, la délicatesse et la beauté de cette oeuvre en font une des réussites majeures du domaine de l'iconotextualité syncrétique dans les arts hypermédiatiques. On peut traverser les quatre tableaux de For All Seasons en quelques minutes, mais on se surprend à se perdre dans la contemplation d'un des paysages iconotextuels pendant plus de temps qu'il n'est nécessaire pour lire le texte et comprendre le principe de manipulation de l'oeuvre." -- From bleuOrange
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Published in 2011 by bleuOrange in Issue 4.
This copy was transferred to the Electronic Literature Lab in Summer of 2021.
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