"«Est-il possible, en utilisant un poème comme point de départ, de créer un territoire de l’imaginaire humain/machine? Ce territoire peut-il être émouvant? Peut-on y examiner la relation de l’humain à la machine? Nous permet-il d’apprivoiser le non-humain, le non-organique?» Voilà les questions auxquelles Ollivier Dyens, par son œuvre De lettres et d’acier, tente de répondre. Présentée pour la première fois dans le cadre de la soirée bleuOrange 00, le 28 mars 2008, cette œuvre place l’internaute devant une ville créée de toutes pièces et composée de poèmes d’auteurs qui, majoritairement, ont vécu ou vivent à Montréal. Les poèmes choisis, provenant de la plume de Naïm Kattan, Dany Laferrière, Hélène Dorion, Cécile Cloutier et plusieurs autres, tapissent les édifices translucides d’un Montréal stylisé (tel qu’affirmé par l’artiste et professeur lors de la présentation de l’oeuvre). L’internaute est invité à naviguer dans l’un des deux univers en trois dimensions (VRML) présentés, à savoir Hurler sans bruit ou bien Les océans des siècles. Le premier présente un paysage aux allures hivernales, par ses couleurs froides et sa musique d’ambiance plutôt sombre, alors que le second présente un paysage estival, où les jaunes, les verts et les rouges se côtoient pour constituer une atmosphère plus chaleureuse. Les déplacements de caméra dans ce second poème virtuel sont aussi beaucoup plus dynamiques que dans le premier. Arrivé à l’intérieur de ces mondes, l’internaute peut se contenter de suivre différentes caméras qui défilent sans cesse en changeant les points de vue offerts ou encore sélectionner le mode de navigation qui lui plaît: «fly», «walk» ou «examine» si on utilise le lecteur Cortona 6.0 ou bien «explore» et «examine» si on utilise le Flux Player créé par Media Machines (recommandé). Le bouton «Goto» ou «Seek», selon le lecteur, permet de se déplacer rapidement vers la surface texturée désirée. Dans le cours du déplacement de la caméra virtuelle, l’internaute peut lire la multitude de textes qui compose les différents prismes évoquant des édifices. S'il porte attention, il pourra distinguer, en plus des textes, différents motifs ressemblants à des écailles de poisson ou de lézard ainsi que des images de mains, de vaisseaux sanguins, parfois des visages ou des corps. La translucidité des structures, ainsi que la musique enveloppante et la liberté de mouvement de l’internaute (bien qu’elle soit limitée à l’écran), permet de faire corps avec l’œuvre. Ainsi, faut-il signaler que le texte (porteur de culture) est lié à la chair (textures qui forment l’oeuvre) et que la machine permet ici de souder ces deux composantes. Inversement, on peut aussi lire cette œuvre en considérant que la machine est rendue visible par la chair (les textures employées) et que la jonction entre les deux mondes est possible par les poèmes, la culture, agissant comme vecteurs de transmission d’une certaine humanité. La chair peut aussi agir comme liant entre les deux autres parties. Ainsi, en ce qui concerne cette œuvre de Dyens, il serait plus juste de parler de «texturalité».
À savoir si ce territoire nous permet «d’apprivoiser le non-humain, le non-organique», peut-être faudrait-il répondre prudemment en disant que la machine, dans le contexte actuel, participe de notre corporéité et de notre culture. L’artiste ouvre des questions nécessaires et pertinentes quant à la co-présence de l’humain et du non-humain. Il ne s’agit pas d’un éloge de la machine ou de l’humanité: peut-être faisons-nous face, dans cette œuvre qui se veut immersive, au constat de l’influence réciproque de la machine sur l’homme et vice-versa. On ne peut toutefois pas passer sous silence que cette oeuvre, se voulant universelle par sa thématique, reste difficilement accessible. Les utilisateurs d’un ordinateur Mac devront ruser pour lire le fichier et les utilisateurs de PC devront avoir un ordinateur assez puissant. Les problèmes de fluidité sont moindres si l'on dispose d’un plug-in différent de celui utilisé pour la création de l’œuvre (Flux). Toutefois, les internautes utilisant le plug-in Cortona 6.0 auront un visionnement moins fluide de l’œuvre mais permettant plus de liberté de mouvement. L’inaccessibilité de l’œuvre, pour certains utilisateurs, signe en quelque sorte la mort de la machine, agissant de ce fait au même titre que la chair, qui, soulignons-le, est aussi périssable." -- From bleuOrange
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Published in 2008 by bleuOrange in Issue 1.
Preserved with Conifer by the Electronic Literature Lab. This copy was transferred to the Electronic Literature Lab in Summer of 2021.
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